Economie des territoires

 

 

Ce chapitre décrit une méthode d'analyse des effets multiplicateur de la base économique des territoires.

 

1. Principes

 

La méta-analyse est une méthode de recherche comparative permettant, à partir de publications antérieures sur le même sujet, d’explorer de façon systématique les variations des résultats obtenus sur ce sujet et d’identifier les facteurs explicatifs de ces variations, afin d’en déduire la valeur dans d’autres situations.

 

Autrement dit, procéder à une méta – analyse consiste à rechercher les régularités empiriques qui se répètent dans le temps et/ou dans l’espace, qui sont comprises d’un point de vue théorique, et qui peuvent être décrites d’une manière simple par des méthodes mathématiques, graphique ou symboliques. En ce sens, la méta – analyse constituedonc une tentative de généralisation empirique qui est susceptible de produire des connaissances nouvelles (Bass, 1995 ; Fornell, 1995)

 

Une démarche de méta-analyse comprend 5 étapes (Stanley et Jarrell, 1989) : la formulation du problème, la collecte et l’évaluation des connaissances disponibles sur le sujet, le paramétrage du modèle et la formulation des hypothèses sousjacentes, l’analyse des connaissances collectées, et la présentation des résultats.

 

Formulation du problème

 

La première étape d’une démarche de méta – analyse consiste à définir le domaine d’investigation des études qui feront l’objet de l’analyse, ainsi que les questions auxquelles la démarche se propose d’apporter une réponse. Dans ce projet, la démarche a été appliquée à des études portant sur l’évaluation des effets multiplicateurs des activités motrices d’une région par des modèles de la base économique. Elle vise à appréhender les relations qui existent entre l’effet d’entraînement des activités "basiques" d’une zone rurale et les caractéristiques socio-économiques de cette zone, ainsi que l’influence des méthodes utilisées pour évaluer cet effet sur l’ampleur de celui-ci,

 

Collecte des données

 

Après avoir déterminé le domaine d’investigation, il convient de construire un corpus de connaissances représentatif des études réalisées dans ce domaine. Dans ce but, une démarche systématique de recherche de travaux (publiés ou non) a été entreprise en faisant appel à des sources d’informations variées (Current Contents, séminaires, colloques, demande de documents auprès d’autres chercheurs). Comme la théorie de la base continue d’être largement utilisée pour étudier les potentialités et les problèmes de développement régional (Leichenko, 2000), le corpus de connaissances analysé comprend 362 publications (4).

 

Paramétrage du méta – modèle et formulation des hypothèses

 

La théorie de la base repose sur une représentation dichotomique d'une économie régionale :

- les activités basiques d’une région qui répondent à une demande externe au territoire. Dans le cadre de cette théorie, la demande externe représente la variable explicative potentielle principale de la croissance régionale, les autres variables (investissement, épargne,. etc) sont supposées jouer un rôle secondaire en raison du faible degré d'intégration économique des économies régionales modélisées.

- les activités non basiques qui satisfont la demande locale et sont supposées dépendantes des activités basiques.

 

En outre, trois éléments méthodologiques peuvent affecter la valeur du multiplicateur : le mode de détermination des activités basiques, le mode de spécification des relations entre secteurs basiques et non basiques, et le mode de détermination des limites de la zone d’étude.

 

Au total, 10 variables exogènes ont été testées : la population (X)1, les emplois du secteur primaire (X2), les emplois du secteur tertiaire (X3), le mode de détermination des limites de la zone étudiée (R1), le mode de spécification du modèle de la base (R2), le type de multiplicateur évalué (R3), la méthode de détermination des activités basiques (R4, R5 et R6), et le contexte géographique (L)) des zones d’études.

 

On trouvera des explications plus détaillées et les coordonnées complètes des références dans les publications suivantes : Apports de l'analyse des ensembles approximatifs à une application de la méta-analyse en économie régionale. Illustration à partir de la base économique. Jean-Paul Bousset, Dominique Vollet. Revue d'Economie Régionale et Urbaine, N°5,pp 773-799, 2003 ; Use of Meta-Analysis for the Comparison and Transfer of Economic Base Multiplier. Dominique Vollet and Jean-Paul Bousset.Regional Studies, 36.5 pp 481-494, 2002."

 

 

2. Méthode d'analyse

 

La méthode utilisée pour appréhender les relations qui existent entre la valeur du coefficient multiplicateur de la base économique -- la variable à expliquer (Y) -- et ses déterminants potentiels (X1, X2, X3, R1, R2, R3, R4, R5, R6, L) consiste à chercher les valeurs des coefficients I, 1, 2, 3, 1, 2, 3, 4, 5, 6 et qui assurent la plus faible somme des carrés des écarts entre les valeurs de l’expression I + 1X1 + 2X2 + 3X3 + 1R1 + 2R2 + 3R3 + 4R4 + 5R5 + 6R6 + L et les valeurs observées de Y. Cette régression a été calculée en insérant (testant) tous les déterminants potentiels dans l’équation en même temps (5).

 

 

3. Résultats de l'analyse. 

 

 

Cette méthode fournit 3 indications : le niveau d’auto -corrélation des déterminants potentiels de la valeur de la variable à expliquer (coeff. de Durbin Watson), la capacité de la fonction de régression à représenter les relations qui existent entre la variable à expliquer et ses déterminants potentiels (coefficient de détermination ajusté), et l’influence de chaque déterminant sur la valeur de la variable à expliquer (t de Student, carré moyen des écarts).

 

Toutefois, la capacité d’une fonction de régression à représenter correctement les relations qui existent dans un tableau de données entre une variable à expliquer et ses déterminants potentiels, ne garantie pas sa capacité à prédire correctement la valeur de cette variable dans des situations différentes de celles qui ont été utilisées pour construire la fonction, i.e. à constituer un modèle prédictif fiable. Une des techniques utilisées pour valider les fonctions de régression consiste à modifier aléatoirement certaines caractéristiques des situations observées, puis à reconstruire et à requalifier la fonction de régression (bootstrapping simulations (6)) En procédant ainsi plusieurs milliers de fois (10 000 fois dans le cadre de ce projet), on peut approcher la distribution empirique du coefficient de détermination ajusté, et ainsi appréhender les éventuels facteurs d’instabilité de la qualité des prédictions réalisées par la fonction de régression (tels que la non normalité de sa distribution, la présence d’effets de bord, de contours).

 

Le coefficient de détermination ajusté de la fonction de régression linéaire multiple indique que les relations qui existent entre la valeur du multiplicateur et les valeurs de ses déterminants potentiels (X1, X2, X3, R1, R2, R3, R4, R5, L) sont correctement représentées par la fonction suivante (7) :

Y= - 0,850 + 0,500*R3 - 0,264*R2 + 0,125*R4 + 0,073*R5 - 0,199*R6 - 0,042*R1 - 0,126*L + 0,186*X1LOG - 0,021*X2LOG + 0,103*X3LOG

 

Comme attendu, les déterminants potentiels utilisés ne sont pas fortement corrélés entre eux (cf. DW).

 

Les résultats des tests de t de Student (Tableau 1) indiquent que 2 variables -- R1 (le mode de détermination des limites des zones étudiées) et R5 (l’exactitude du besoin minimal) – n’ont pas d’influence significative sur la valeur du coefficient multiplicateur.

 

Toutes les autres variables exercent une influence sur la valeur du multiplicateur. Mais l’analyse des carrés moyens des écarts indique que toutes ces variables n’exercent pas la même influence sur la valeur de Y, et que 3 variable ont une influence particulièrement déterminante. Ce sont, par ordre décroissant d’influence : la population de la zone d’étude (X1log), la spécification du modèle de la base (R2), et le contexte géographique dans lequel se situent les zones d’étude (L).

 

La forte influence de la population de la zone d’étude (X1log) sur la valeur du coefficient multiplicateur des activités de la base confirme notre hypothèse (un accroissement de la population génère un développent des services). Ce résultat corrobore les résultats obtenus par Baiijens et al. (1997) sur l’effet multiplicateur des activités touristiques (corrélation positive entre la taille de la zone et le niveau du multiplicateur). En outre, on notera que les corrélations respectivement négatives et positives entre l’importance relative des secteurs primaire (X2log) et tertiaire (X3log) et la valeur du coefficient multiplicateur (Y), confirme nos hypothèses quant à la logique d’influence de ces indicateurs. Autrement dit, toutes choses égales par ailleurs, une économie restée très dépendante de l’agriculture tend à générer peu d’effets d’entraînement. Inversement, une économie fortement tertiarisée tend à générer des effets multiplicateurs importants. Mais la corrélation entre la valeur du multiplicateur et l’importance relative du secteur tertiaire se révèle très faible (r=0,108).

 

Le coefficient négatif associé à la spécification du modèle de la base (R2) indique que les multiplicateurs exprimés par un ratio tendent à être inférieurs aux autres. Ce résultat confirme notre hypothèse quant à la sous estimation générée par ce choix méthodologique.

 

Par ailleurs, on notera que le signe positif devant la variable R3 (type de multiplicateur évalué), confirme l’hypothèse selon laquelle les multiplicateurs d’emploi sont généralement supérieurs aux multiplicateurs de revenu (Archer, 1982).

 

En revanche, la faible corrélation entre les modes de détermination des activités basique (R4, R5 et R6) et le niveau du multiplicateur laisse penser que ces choix méthodologiques ont des influences variées, qui ne peuvent être mises en évidence par l’analyse des régressions linéaires. Les auteurs sont effectivement très partagés à ce sujet (Lewis, 1976 ; Isserman, 1980 ; Richardson, 1985).

 

Le coefficient de corrélation négatif entre le contexte géographique des études (L) et la valeur du coefficient multiplicateur indique que, toutes choses égales par ailleurs, les coefficients multiplicateurs tendent à être significativement plus élevés en Amérique du Nord qu’en Europe, ce qui confirme l’hypothèse faite sur l’influence possible des spécificités des espaces ruraux européens et nord-américains sur le niveau du multiplicateur (densité de population, répartition des activités tertiaires entre centres urbains et espaces « ruraux »…).

 

Les caractéristiques de la distribution du coefficient de détermination des 10 000 régressions linéaires multiples construites lors de la procédure de boostrapping montrent que ce modèle est stable (Tableau 2). Toutefois, la distribution des résidus laisse penser que ce modèle n’est pas également précis pour toutes les classes de valeurs du multiplicateur (Figure 1).

 

Tableau 1: Paramètres de la régression et statistiques correspondantes :

Statistique de Durbin-Watson Dw: 1,8163

Coefficient de corrélation r : 0,8848 ;

Coefficient de détermination r² : 0,7829

Coefficient de détermination ajusté : 0,7768

 

 

 

DDL.

Somme des carrés

Carrés moyens

F de Fisher

Pr > F

 

Modèle

10

15,2375

1,5238

126,6048

0,0001

 

Résidus

351

4,2245

0,0120

 

 

 

Total

361

19,4620

 

 

 

 

 

 

 

Valeur

Ecart-type

T de Student

Probabilité

Carrés moyens

Pr. >F de Fisher

Constante

-0,850

0,1760

-4,8302

0,0001

 

 

X6

0,500

0,0544

9,1847

0,0001

0,1241

0,0014

X7

-0,264

0,0322

-8,1962

0,0001

4,5549

0,0001

X8a

0,125

0,0514

2,4383

0,0153

0,0280

0,1281

X8b

0,073

0,0497

1,4757

0,1409

0,0004

0,8539

X8c

-0,199

0,0458

-4,3573

0,0001

0,3438

0,0001

X5

-0,042

0,0482

-0,8676

0,3862

0,0625

0,0233

X9

-0,126

0,0289

-4,3470

0,0001

1,3190

0,0001

X3log

0,186

0,0076

24,3570

0,0001

8,5575

0,0001

X1log

-0,021

0,0068

-3,1205

0,0020

0,1325

0,0010

X4log

0,103

0,0334

3,0892

0,0022

0,1149

0,0022

 

Tableau 2 : Caractéristiques de la distribution du coefficient de détermination

 

Moyenne= 0,788

Erreur Standard = 0,000

Kurtosis = -0,249

Intervalles de confiance

Médiane = 0,789

Déviation Std = 0,033

S.E.Kurt. =0,049

90,0%[0,73,0,84]

Mode = 0,787

Variance = 0,001

Skewness = -0,271

95,0%[0,72,0,85]

Minima = 0,657

Somme = 7880

S.E.Skew. =0,024

99,0%[0,70,0,86]

Maxima = 0,881 

Range = 0,224 

 

 

 

 

 

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